L’héritage de ma mère

L’héritage de ma mère

Maman: Hey les enfants!?

Nous: Tu nous aimes!

C’était comme ça tous les jours!

Mes parents se sont mariés le jour de mon baptême! C’est l’histoire que j’ai entendue le plus souvent! J’étais son bouquet qu’elle a bien fait attention de ne pas lancer!

Depuis de ma naissance, en 1981, alors que seulement 5% de femmes allaitaient une fois sortie de l’hôpital, que les pratiques hospitalières nuisaient à l’allaitement en séparant les mères et les bébés et que les femmes se libéraient du rôle de femme au foyer imposé depuis trop longtemps par la société, ma mère, elle, allaitait, faisait du portage et du cododo! Elle avait lu que ça prévenait l’obésité, combat qu’elle a mené personnellement toute sa vie!

Elle nous offrait un “petit coup” (c’était comme ça que l’on appelait la tétée chez nous) pour nous réconforter, soigner nos bobos et nous endormir… Elle a toujours dit qu’il n’y avait rien de mieux pour rassurer un tout petit!

Elle a materné dans la proximité chacun de ses 4 enfants. J’ai tété jusqu’à un peu moins de 4 ans, 1 an en tandem avec ma petite sœur. Elle s’est sevrée juste avant la naissance de mon frère qui lui a tété 4 ans, dont 1 an en tandem avec mon autre petit frère. Le petit dernier s’est sevré juste avant d’entrer en maternelle!

Maman à la maison, fière de vivre ce quotidien rocambolesque même le midi où nous revenions de l’école pour dîner avec elle!

“L’enfance, ça passe juste une fois!” Répétait-elle fermement, à qui tentait de lui imposer l’idée que les enfants devaient être mis aux pas, corrigés et punis.

Chaque semaine suivait sa fête! Des ballons de toutes les couleurs agrémentaient la rampe d’escalier!

Elle a eu, pendant quelques années, une garderie en milieu familial. Nous étions 11 à la maison à temps plein durant l’été!

Elle m’a montré le portage dès ma naissance et, lorsque je n’étais qu’une toute jeune gardienne, elle me permettait de lui emprunter sa “poche à bébé” pour aller garder ma petite voisine!

Comme bien des familles des années 80, mes parents ont divorcé. Un méchant divorce, 10 ans de conflits!

Monoparentale, avec 4 enfants… Il y a eu des passes bien difficiles. Il restait toujours plus de jours que d’argent chaque mois!

Tout le monde dit que le temps c’est de l’argent… si seulement on avait pu vendre ce temps en trop!

Malgré la précarité et les défis financiers, elle nous a fait grandir en sécurité affective. On était pauvre financièrement, mais si riche affectivement! On a manqué de tout, mais jamais d’amour!

On comptait les tranches de pain et les saucisses hot dog. On partageait de temps à autre une boîte de smarties en 4 parts égales. Mais, tous nos repas ont été pris dans l’abondance de fous rires et de bonheur!

Selon certaines personnes bienpensantes… nous, enfants du maternage, devrions vraiment être des désaxés et des mésadaptés sociaux! Il paraitrait que recevoir tant d’amour, d’affection et d’attention de notre mère seraient les éléments déclencheurs de désordres sexuels et psychologiques…

Parlons-en!!!

Nous sommes tous les 4 à 32-35-38 et 41 ans, indépendants et autonomes. Nous avons toujours eu des emplois stables, stimulants et respectables. Nous sommes tous en couple depuis plusieurs années et avons des enfants. Nous sommes engagés auprès de nos paires, nos emplois, nos familles et nos valeurs! Nous sommes restés tissés serrés! Nous nous entraidons et partageons la responsabilité de prendre soin les uns des autres!

Nous avons, tout simplement, construit nos familles avec des valeurs semblables à celles de notre enfance. J’ai allaité mes enfants jusqu’au sevrage naturel avec beaucoup d’amour et de fierté! Ma sœur et moi avons été des maternantes/allaitantes comme notre mère l’a été. Mes frères ont trouvé des conjointes qui partagent aussi des valeurs similaires.

Dans les dernières années, nous avons été confrontés à la réalité du temps qui passe. Nous avons dû dire au revoir à notre mère. Les dernières années, ma mère, fière et indépendante, n’a plus eu le luxe de l’autonomie.

J’ai trouvé extrêmement difficile d’être devant la possibilité de perdre ma mère et d’assister à sa perte d’autonomie… N’est-il pas normal pour un enfant de réagir de cette façon?

Nous l’aimions comme elle nous a aimés, nous la soutenions comme elle nous a soutenus et nous voulions le mieux pour elle comme elle l’a tant souhaité pour nous!

Ma mère, à chaque occasion, partageait sa joie et sa fierté d’être mère. Elle avait décidé d’avoir quatre enfants malgré ses défis d’accouchements (4 césariennes), son âge et son vécu. Chacune de ses fibres vibrait sur la fréquence de la maternité! Pour ma mère, ses enfants étaient plus qu’une passion et une fierté, ils étaient sa vie et sa carrière! Fière de faire partie du club des maternantes/allaitantes jusqu’au sevrage naturel et fière de cette proximité, pierre angulaire de son maternage. Elle nous a appris que mettre l’amour en avant suffit à traverser toutes les épreuves, que l’on peut rêver sans limites, car ça ne coûte rien et ça donne des ailes, mais surtout, que l’enfance mérite d’être célébrée tous les jours!

Comme déséquilibrés et mésadaptés, il y a pire, je crois!

Materne avec ton cœur et suis ton instinct!

 Annick

xxx